Haut le coeur, de Jun Takami (Philippe Picquier) — ISBN-13 : 9782877308205 — 731 pages — 12,20 € — Genre : Vive l’Empereur.
C’est avec grand plaisir que je fais un petit retour par les lettres japonaises avec « Haut le cœur », un roman classique (de l’auteur Jun Takami) encensé à l’époque de sa publication par deux autres monstres de la littérature nipponne, à savoir Yukio Mishima et Yasunari Kawabata. Forcément, je ne pouvais pas passer à côté de ce livre…
Ainsi, l’action du livre se déroule entre les années 20 et 30 dans un Japon au bord de l’explosion et une Mandchourie sur le point d’être envahi. Dans un premier temps, notre jeune héros (qui n’est autre que le narrateur) rêve de sexe et de femmes (de préférence facile). Puis, comme tout le monde avec l’expérience, Kashiba voudra passer à autre chose, par exemple à renverser le gouvernement bourgeois et tuer des gens. Le héros est obsédé par le fait de réussir à assassiner quelqu’un, cet acte est un peu comme le but ultime de sa vie, il y pense sans cesse. Par conséquent, le jeune coq va vite basculer dans le crime, il deviendra une sorte d’anarchiste (de pacotille), c’en est fini (pas complètement non plus, il ne faut pas exagérer) du monde des putes et de l’alcool, voici venir le temps des groupuscules militaires rêvant à l’instauration d’une dictature. Il y a d’un côté les cocos et de l’autre les fachos. D’ailleurs, les idéaux ne sont là que pour justifier toujours plus de violence. Tout le monde y va de sa petite violence, de sa petite justification, de son petit principe. Le gouvernement, bousculé, réprimande un peu les uns et un peu plus les autres, mais cette histoire, on le sait aujourd’hui, va finir très mal pour tout le monde, même pour ceux qui n’ont rien demandé. Vous l’aurez compris, ce livre est aussi le témoignage rare, surtout à l’époque où le roman a été écrit, d’une société japonaise qui progressivement bascule vers le fascisme.
Il fallait dire non à une politique qui couvrait les abus. Il fallait ruiner une société remplie de contradictions. Il fallait écraser comme des mouches, dans une bonne émeute, les exploiteurs du peuple. Il fallait exterminer du même coup les politiciens acoquinés avec eux. Oui, c’est par de telles raisons que je cédais à la fascination de l’émeute, du massacre, du sang versé à flots. Et m’éloignant du domaine de la théorie, j’en arrivais à me sentir assoiffé de sang.
Haut le cœur, de Jun Takami, est considéré, à juste titre selon moi, comme un chef-d’œuvre de la littérature japonaise. Certes, le texte est âpre, marqué par la violence et le sexe, mais aussi par le récit d’un héros qui n’a rien d’héroïque, qui est plutôt repoussant, dérangeant, antipathique, et quelque part un peu minable, mais c’est également un personnage qui navigue tant bien que mal, avec un désir ardent de tuer, dans un Japon mouvementé. J’ai adoré ce ton donné par l’auteur à son livre, c’est à la fois superbement écrit — avec des réflexions pertinentes qui semblent intemporelles — et dur — avec des dialogues hauts en couleur —, argotique. J’ai beaucoup apprécié ce mélange des genres de même que la tournure des phrases. Le style est riche, captivant. Et puis, j’adore ce type d’histoire un peu clivant, voire troublant, mais qui reflète une époque, une réalité comme une autre. Alors, certes, le récit est tendu tel le slip trop petit d’une bimbo trop vieille pour l’être encore et cela ne conviendra pas à tout le monde, mais moi j’exulte. Je préfère ça aux happy few forcés. Enfin, je termine en précisant que le roman est danse, il contient une ribambelle de personnages, c’est parfois vertigineux, mais ce n’est pas pour me déplaire, bien au contraire. Je n’ai qu’un regret, c’est que Haut le cœur soit le seul roman traduit en français de Jun Takami. J’aimerais tant découvrir le reste de l’œuvre de l’écrivain japonais.
Qu’en pensez-vous ? Merci de m’avoir lu.
Ça me tente énormément ! Je vais adorer la dénonciation des violences cachées sous de l’idéologie.
Je pense que c’est un livre qui pourrait mieux me correspondre que certains écrits japonais trop contemplatifs.
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Je pense aussi 🙂
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Tu as l’air tout à fait enthousiaste sur ce roman ! Et s’il est aussi génial que Mishima ou Kawabata, je vais m’empresser de noter ce titre !
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Le style est différent, mais j’ai adoré 🙂
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Je suppose que tu voulais écrire « dense » car je pense que nous sommes loin de la « danse » … la violence japonaise est trop dure pour moi c’est pour cela que je fais une remarque à côté de ce qui est important : un billet très bien rédigé et qui rend bien compte du roman.
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Tu supposes bien 🙂
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Hum je ne sais pas, j’ai déjà des japonais à découvrir!
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Il faut bien commencer quelque part 🙂
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Kawabata l’a encensé ? Il est pourtant, semble-t-il, tout à l’opposé du style et des thèmes de cet auteur ?
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Peu importe le thème si le style est bon 😉
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Il va falloir que tu suives des cours pour maîtriser la langue d’origine pour lire les autres romans de cet écrivain! Tu y as pensé?
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Quand j’étais plus jeune je voulais apprendre le japonais et puis finalement je ne m’y suis jamais mis…
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Il n’est jamais trop tard…
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C’est plus qu’alléchant. Je n’y connais rien à la littérature japonaise, mais ce texte semble incontournable, loin des clichés.
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C’est un texte assez intense…
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Ce n’est peut-être pas une lecture pour moi mais je me dis que tu devrais organiser un mois japonais … 😉
(en plus, je peux te conseiller un blogueur qui fait des logos !)
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J’y avais pensé au mois japonais, mais il existe déjà 🙂 Je veux bien le contact du blogueur qui fait des logos 😉
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