L’Île de Sakhaline, de Anton Tchekhov (Cent pages) — ISBN-13 : 9782906724457 — 480 pages — 30 € — Genre : L’Île de la tentation. ✮✮✮✮✮
Il y a des titres comme ça qui sont inscrits sur ma liste de livres à lire depuis de nombreuses années, sans que je m’en préoccupe. Et puis un beau jour arrive le moment inévitable et ce beau jour est enfin arrivé pour l’île de Sakhaline, d’Anton Tchekhov. Mais de quoi est-il question dans ce roman ? Est-ce d’ailleurs un roman ?
Pour moi, l’île de Sakhaline n’est pas vraiment un roman. Effectivement, le livre d’Anton Tchekhov ressemble plus à un documentaire-fiction, une étude sociologique, historique. Bien que les deux écritures ne se ressemblent pas, le livre d’Anton Tchekhov me fait penser à « Louons maintenant les grands hommes » de James Agee. Venons-en au fait. Un beau jour, Anton Tchekhov décide de partir pour l’île de Sakhaline. Cette dernière se situe au large de la Sibérie dans la mer du Japon. L’île de Sakhaline est un lieu de désolation, froid et rude dans lequel sont déportés de nombreux prisonniers. Aussi, en avril 1890, Anton Tchekhov s’embarque pour un long et périlleux voyage. L’auteur et journaliste russe doit parcourir 1200 km, c’est un voyage bien compliqué d’autant plus qu’Anton Tchekhov est atteint de tuberculose. De plus, l’écrivain part presque sur un coup de tête, il n’a à sa disposition aucune autorisation ou bien lettre d’introduction. Pourquoi l’auteur entreprend-il un tel voyage ? Anton Tchekhov ne se l’explique pas, il veut simplement enquêter sur cette île vouée au bagne. Alors, le journaliste raconte, il raconte, dans un premier temps, son difficile voyage, puis son arrivée, etc. Contre toute attente, alors que l’écrivain ne possède aucune autorisation, celui-ci sera très bien accueilli par les autorités locales, car comme elles le disent : « nous n’avons rien à cacher ». Aussi, l’auteur parcourt librement l’île de Sakhaline, du nord au sud, etc. L’auteur nous rend compte d’un lieu étrange et austère, d’une île sur laquelle cohabitent des prisonniers et des hommes libres, mais aussi d’anciens bagnards qui décident de rester. L’île de Sakhaline est organisée comme une société presque normale, les hommes et femmes qui y sont enfermés peuvent par exemple être accompagnés de leurs conjoints, enfants. Cependant, on ne peut oublier que l’île est une prison à ciel ouvert. La vie y est dure sur l’île de Sakhaline, les gens y souffrent, y sont battus, y meurent.
Il y a quinze ou vingt ans, à peine arrivées, elles entraient en maison de tolérance. « Faute d’un emplacement spécial, écrivait Vlassov dans son rapport, les femmes de Sakhaline-Sud sont logées à la boulangerie… Dépréradovitch, le commandant de l’Ile, a donné l’ordre de transformer la section des femmes en maison de tolérance. » Il n’aurait pu être question de travaux quels qu’ils soient, car seules « les femmes ayant encouru une sanction ou n’ayant pas su s’attirer les faveurs des hommes » étaient envoyées aux cuisines, les autres servaient aux « besoins naturels », se saoulaient à mort, et finalement comme le dit Vlassov, atteignaient à un tel degré de déchéance que, réduites à l’hébétude totale, « elles vendaient leurs enfants pour une bouteille d’alcool ».
Dans son livre, l’auteur russe, en fin observateur, retranscrit tout ce qu’il voit. Il décrit minutieusement les mœurs et coutumes de chacun, de chaque groupe de prisonniers éparpillés à différents endroits de l’île. Telle population, c’est installé au nord, une autre s’est installée au sud, il y a aussi les Japonais à qui l’on explique qu’aujourd’hui l’île est entièrement russe, etc. Tchekhov interroge scrupuleusement, en plusieurs points qu’il définit en début d’ouvrage, différents prisonniers qui croisent son chemin. Pourquoi ces derniers ont été envoyés sur l’île ? Depuis quand ? Sont-ils instruits, sont-ils chrétiens, etc. De plus, le texte est accompagné de nombreuses photos, certes, dans un noir et blanc pas très agréable, mais elles permettent de mieux se rendre compte à quoi ressemble cette île de Sakhaline. Pour ceux et celles qui seraient intéressés, sachez que l’île de Sakhaline, d’Anton Tchekhov, est aussi disponible en édition folio et pour trois fois moins chères…
Qu’en pensez-vous ? Merci de m’avoir lu.
Bien sûr, je ne peux m’empêcher de penser, en lisant ton billet, aux « Vaincus », que j’ai presque terminé, et où on a l’impression, quelques décennies plus tard, que malgré la révolution, rien n’a changé… les prisonniers ne sont pas les mêmes, mais leurs conditions n’ont pas évolué, (voire ont empiré ?)
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Peut-être pas empiré 😉
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Totale découverte pour moi, jamais entendu parlé de ce livre. Merci !
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De rien 🙂
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Belle découverte! Je me le note, merci!
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Belle découverte !
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Ainsi, toi aussi tu as une pile de livres à lire 🙂
Tchekhov est un auteur dont j’aime beaucoup le théâtre, mais je ne connais pas trop ses nouvelles et récits.
L’extrait que tu donnes fait froid dans le dos.
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Plutôt une liste 🙂 mais c’est presque la même chose 🙂 en effet, l’extrait donne froid dans le dos…
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Je ne connaissais pas ce titre. Merci! Belle présentation Goran!
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Merci, c’est pas toujours facile…
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Je sais…
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Génial je suis fan de Tchékhov ! Et comme j’ai habité en Russie… 🙂 Tu en as bien rendu l’essence : pas un roman, plus étude ! Merci Goran !
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Merci Camellia 🙂
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Je suis un peu comme laboucheaoreille, je connais son théâtre bien davantage. Ce que tu en dis me donne envie de le lire et je le lirai, c’est certain!
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Merci !
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J’en pense que tu me fais découvrir des romans et des auteurs vers lesquels je me tourne jamais ! I faut aussi que je retente la littérature russe… Elle me fait si peur !!!
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Il ne faut pas avoir peur…
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un vrai classique à la fois de la littérature russe et de ce que sera d’une certaine façon la littérature sur les camps, Sakhaline en était les prémisses
je l’ai lu après avoir lu les lettres de voyage de Tchekhov et cela fait un très bel ensemble, j’ai fait des billets sur le sujet sur mon blog si cela t’intéresse
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Je vais allé voir ça, merci.
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Je crois que je suis une fan en carton… Moi qui adore Tchekhov (je veux même appeler mon fils Anton, c’est dire…), je n’ai pas lu ce roman/docu. Dans ce que tu décris ça me fait beaucoup penser au travail journalistique de Orwell dans Hommage à la Catalogne, Dans la dèche à Paris et à Londres et Une fille de pasteur.
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C’est vrai que… le prénom est très chouette 🙂
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Ce n’est pas le Tchekhov que je lirai en premier mais je me souviendrai de la référence.
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Je comprends…
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