Nocturne du Chili, de Roberto Bolano (Christian Bourgois) — ISBN-13 : 9782267016284 — 152 pages — 15,20 € — Genre : Portrait chinois. ✮✮✮✮✮
« Nocturne du Chili » de Roberto Bolano, est un livre qui m’a été conseillé par Ingannmic du blog book’ing et je tenais à la remercier pour ce conseil. Effectivement, ce roman chilien, construit sur la forme d’un long monologue intérieur, m’a subjugué. Mais qui est cet homme qui s’épanche (peut-être pas aussi librement qu’il y paraît) sur son passé ?
Ainsi, on suit l’histoire d’un homme qui, sur son lit de mort, a décidé de soulager sa conscience. Ce mourant n’est autre qu’un prêtre, il s’agit du père Ibacache qui fut aussi écrivain, poète, mais aussi (et surtout) critique littéraire. Le roman débute par les quelques suivantes lignes et celles-ci m’ont tout de suite emporté.
» Maintenant ma mort est là, pourtant j’ai encore beaucoup de choses à dire. J’étais en paix avec moi-même. Muet et en paix. Mais tout à coup les choses sont apparues. C’est ce jeune homme aux cheveux blancs qui est le coupable. Moi, j’étais en paix. Maintenant je ne suis pas en paix. Il faut éclaircir certains points. Je m’appuierai donc sur un coude, lèverai la tête, mon noble chef tremblant, et chercherai du côté des souvenirs ces actions qui me justifient et démentent donc les infamies que le jeune homme aux cheveux blancs a répandues pour mon discrédit en une seule nuit étincelante d’éclairs. «
Mais qu’a donc à se reprocher le père Ibacache ? Qu’a-t-il fait dans sa jeunesse qui a bien pu peser ainsi sur sa conscience ? De quoi celui-ci est-il coupable ? Est-il simplement coupable de quelque chose ? On comprendra de quoi celui-ci est responsable. Au fur et à mesure du texte, l’auteur distillera, comme le long poison qui ronge l’esprit du père Ibacache, les indices qui nous permettront de suivre (en partie) le passé de cet homme qui se meut. Effectivement, ce livre est bien plus qu’un long monologue, c’est une confession d’un ancien prêtre qui regrette certains actes de son passé. Cependant, le père Ibacache regrette sans vraiment sembler se repentir et c’est un comble pour un prêtre qui se confesse pour la dernière fois… Le père Ibacache disserte sur sa vie et sur l’histoire de son pays, car c’est bien de l’histoire du Chili qu’il s’agit, et de la dictature de Pinochet. On comprend dès lors que l’homme d’église, de lettres et de culture s’est brillamment illustré par l’inaction et le silence. Ainsi, l’histoire du père Ibacache, c’est un peu celle des millions de gens à travers le monde qui se sont tus au lieu de dénoncer les guerres, les dictatures, mais c’est aussi l’histoire de millions de gens à travers le monde qui préfère tourner la tête plutôt que d’aider… « Nocturne du Chili » de Roberto Bolano est bien un livre qui raconte l’histoire du Chili à travers le regard d’un vieil homme qui se sent coupable, mais pas responsable. De plus, le thème de ce roman chilien est aussi celui de la responsabilité individuelle. À partir de quand sommes-nous coupables de telles ou telles situations ? Le père Ibacache a bien été un homme lâche, mais aurions-nous agi différemment à sa place ?
Je vous invite à découvrir cette œuvre extrêmement poétique, mais en même temps assez froide et dérangeante. Certes, certains passages obscurs peuvent en rebuter plus d’un, mais la richesse stylistique du texte vaut vraiment le détour. L’auteur, alterne les phrases courtes avec d’autres parfois extrêmement longues. De plus, Roberto Bolano joue aussi avec la retranscription des dialogues et l’on retrouve ces derniers sous diverses formes que je ne vais pas énumérer ici. « Nocturne du Chili » est le premier livre du Chilien Roberto que je lis, mais j’ai appris que c’était aussi le plus accessible et avec lequel il fallait débuter pour découvrir l’auteur. Par conséquent, n’hésitez plus… Roberto Bolano est considéré comme l’un des écrivains chiliens les plus emblématiques de sa génération, c’est un écrivain engagé, un humaniste mort bien trop tôt en 2003, à l’âge de 50 ans, à cause d’un problème hépatique.
Qui a déjà lu ce livre ? Qu’en avez-vous pensé ?
Cet article me fait TRES plaisir, et merci pour le lien. De redécouvrir ici les premières lignes de ce texte comme tu le dis si justement, à la fois poétique et glaçant, me donne envie de le relire !
Je ne dirai pas personnellement qu’il s’agit là du texte le plus accessible de l’auteur, car comme tu le fais remarquer, certains passages sont assez complexes. Mais il est court, et c’est un bon « test » pour savoir si l’on adhère au ton de l’auteur, avant d’entamer des œuvres plus volumineuses telles que Les détectives sauvages, ou le génial 2666… Nocturne du Chili est en effet très représentatif d’une constante que l’on retrouve dans quasiment tous les titres de l’auteur : cet art de la suggestion, cette capacité à évoquer le tragique sans le nommer.
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Merci ingannmic pour ton avis constructif, je vais poursuivre avec cet auteur… Avec 2666 donc 🙂
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Je confirme, Nocturne du Chili est un très bon livre d’un très bon auteur. Oui, 2666 est à lire absolument. Tu pourras aussi lire Amuleto, petit livre qui m’avait tout de même marquée.
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Génial, je note… Merci ! 🙂
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Je rêve de ce 2666… Mais sa taille m’a toujours fait peur. Je commencerai peut-être par un roman « un peu » moins long de l’auteur, parce qu’il y a une évidence : un jour, je lirai Roberto Bolano !
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Et Nocturne du Chili est de la bonne taille…
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Moi ça me parle bien. Et j’adore les monologues. Quelle année ce roman Goran ?
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2002 !
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bon article pour donner envie de partir à la découverte du Chili, merci Goran
PS la pub sur ton blog est assez gênante elle s’invite toute seule alors qu’on lit ton article
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Ah bon, de la pub qui s’invite seule ? Je n’en vois qu’une en fin d’article…
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Je n’ai pas lu… Ta chronique donne vraiment envie de le lire et de découvrir cet écrivain… L’extrait que tu présentes est vraiment frappant…
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Merci à toi 🙂
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Tout est bon chez Bolaño, y compris et surtout « Les détectives sauvages » qui cette fois t’embarquera pour une croisière au long cours.
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Super, merci pour ce conseil…
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Je ne l’ai pas encore lu, il figure dans mes carnets d’idées-lectures. Il est vraiment temps que je découvre Roberto Bolano, ce que tu dis de son écriture donne vraiment envie
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Et oui et oui 😉
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Je ressors toujours de ton blog avec de nouvelles envies de lectures ! Ton billet est très alléchant !
Malheureusement je manque de temps pour lire tout ce que je voudrais !
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Merci pour le compliment… Effectivement, on est tous un peu dans le même cas pour ce qui est du temps et des envies…
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Les monologues m’effraient un peu mais après le sublime La Religieuse de Diderot je suis prête à tester.
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C’est vrai que La Religieuse de Diderot est sublime…
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Vue également au théâtre. Un grand moment pour moi.
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Tu en as de la chance…
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Il est vrai. Parfois. ^^
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🙂
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