L’adieu, de Yves Bonnefoy ✮✮✮✮✮
Nous sommes revenus à notre origine.
Ce fut le lieu de l’évidence, mais déchirée.
Les fenêtres mêlaient trop de lumières,
Les escaliers gravissaient trop d’étoiles
Qui sont des arches qui s’effondrent, des gravats,
Le feu semblait brûler dans un autre monde.
Et maintenant des oiseaux volent de chambre en chambre,
Les volets sont tombés, le lit est couvert de pierres,
L’âtre plein de débris du ciel qui vont s’éteindre.
Là nous parlions, le soir, presque à voix basse
A cause des rumeurs des voûtes, là pourtant
Nous formions nos projets : mais une barque,
Chargée de pierres rouges, s’éloignait
Irrésistiblement d’une rive, et l’oubli
Posait déjà sa cendre sur les rêves
Que nous recommencions sans fin, peuplant d’images
Le feu qui a brûlé jusqu’au dernier jour.
Est-il vrai, mon amie,
Qu’il n’y a qu’un seul mot pour désigner
Dans la langue qu’on nomme la poésie
Le soleil du matin et celui du soir,
Un seul le cri de joie et le cri d’angoisse,
Un seul l’amont désert et les coups de haches,
Un seul le lit défait et le ciel d’orage,
Un seul l’enfant qui naît et le dieu mort ?
Oui, je le crois, je veux le croire, mais quelles sont
Ces ombres qui emportent le miroir ?
Et vois, la ronce prend parmi les pierres
Sur la voie d’herbe encore mal frayée
Où se portaient nos pas vers les jeunes arbres.
Il me semble aujourd’hui, ici, que la parole
Est cette auge à demi brisée, dont se répand
A chaque aube de pluie l’eau inutile.
L’herbe et dans l’herbe l’eau qui brille, comme un fleuve.
Tout est toujours à remailler du monde.
Le paradis est épars, je le sais,
C’est la tâche terrestre d’en reconnaître
Les fleurs disséminées dans l’herbe pauvre,
Mais l’ange a disparu, une lumière
Qui ne fut plus soudain que soleil couchant.
Et comme Adam et Ève nous marcherons
Une dernière fois dans le jardin.
Comme Adam le premier regret, comme Ève le premier
Courage nous voudrons et ne voudrons pas
Franchir la porte basse qui s’entrouvre
Là-bas, à l’autre bout des longes, colorée
Comme auguralement d’un dernier rayon.
L’avenir se prend-il dans l’origine
Comme le ciel consent à un miroir courbe,
Pourrons-nous recueillir de cette lumière
Qui a été le miracle d’ici
La semence dans nos mains sombres, pour d’autres flaques
Au secret d’autres champs « barrées de pierres » ?
Certes, le lieu pour vaincre, pour nous vaincre, c’est ici
Dont nous partons, ce soir. Ici sans fin
Comme cette eau qui s’échappe de l’auge.
Ce texte est magnifique. Beau choix. (Mais je n’en attendais pas moins de toi. ^^)
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Ca faisait longtemps que je n’avais pas publié de poème…
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Et j’apprécie ce matin poétique…
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Superbe poème, merci pour ce partage !
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Merci à toi !
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Très beau, merci Goran…
Et une pensée pour Leonard Cohen 😦
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J’ai faillis poster un de ses clips et puis… Tu aimes aussi Leonard Cohen ? Bravo 🙂
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Oui, je l’aime beaucoup: ses textes, sa voix, son visage…je me sens un peu triste ce matin.
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Moi aussi… cadeau : https://www.youtube.com/watch?v=ttEMYvpoR-k
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Merci, Goran, tu me donnes envie de lire de la poésie, ce qui n’est pas toujours évident pour moi.
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Mais de rien…
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Merci pour ce sublime poème… il fait du bien à l’âme…
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😉
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Très émouvant cette année… J’ai l’impression qu’avec le temps le propos de Bonnefoy s’est clarifié, recentré sur ses obsessions principales, ce qui le rend plus facile à lire !
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Il me semble aussi…
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Superbe, plein de sens & de vérités profondes.
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Et oui…
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Je me suis permise de partager. 😊
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Et tu as bien fait 🙂
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YB décrit un tel univers sensoriel.. j’ai relu plusieurs fois, quelle écriture et style!
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